Des coups de matraque gratuits, les Marseillais ont reçu un accueil odieux. Les autorités françaises, politiques et sportives, l'UEFA ne semblent pas avoir pris la dimension du scandale.
Au fil des jours, le fil des événements vécus lors d'Atlético- OM se dénoue. Vingt minutes avant le coup d'envoi, un stadier espagnol demande aux Ultras d'enlever leur banderole sur laquelle est apposée une tête de mort.
C'est une première infraction au règlement concernant les règles de sécurité de l'UEFA. Sont seulement autorisés à intervenir dans la zone réservée aux supporters adverses, les stadiers du club visiteur et les forces de l'ordre, sur réquisition pour ces derniers. Les responsables des Ultras refusent donc d'obtempérer. Le stadier quitte la tribune.
Moins de cinq minutes plus tard, la Guardia Civil arrive sur site. Que se passe-t-il dans ce laps de temps ?
Le commandant de la Guardia Civil intervient auprès des deux policiers français, appartenant au Groupe des Violences Urbaines de Marseille, présents sur place et maîtrisant parfaitement l'espagnol. Selon nos informations, il leur demande de faire enlever une banderole qui déplaît à l'UEFA. L'instance réfute cette version. Les deux policiers descendent sur la pelouse pour visualiser la bâche.
À ce moment-là, la Guardia civil entre en scène. Question: a-t-elle délibérément éloigné les policiers français pour déclencher les hostilités ? Selon plusieurs sources, les Ultras décident alors de cacher la tête de mort pour apaiser les esprits. Mais soudain, les coups pleuvent.
Les policiers espagnols se servent de leur matraque et tapent sur tous les supporters, hommes, femmes, jeunes et moins jeunes. Une charge sauvage sans distinction où plusieurs personnes sont blessées. Le directeur de la sécurité de l'OM, Guy Cazadamont, est molesté, envoyé au sol. Des supporters sont balancés plusieurs rangs plus bas.
Les images parlent. Nul ne peut les contester. José Anigo s'indigne et, depuis le banc de touche, s'avance vers la tribune. Avec Pape Diouf, ils rejoignent les supporters. À leur arrivée, les policiers espagnols se retournent vers eux. Il faut le réflexe du délégué UEFA, les deux mains en avant, pour freiner l'ardeur ibérique : "Presidente, presidente...", dit-il pour prévenir.
Le président olympien refuse de quitter les lieux tant que la Guardia Civil n'a pas évacué la tribune. Il obtient satisfaction après plusieurs minutes de discussions. À l'heure de l'égalisation, les supporters handicapés placés juste derrière le but de Leo Franco sont pris pour cibles par les supporters espagnols et reçoivent de multiples projectiles. Pour toute protection, on leur demande de changer d'endroit.
Dans un autre endroit du stade, les supporters espagnols essuient leur haine contre Thierry Trésor, journaliste français de couleur. Quand Mandanda, Taiwo ou Niang touchent le ballon, on entend des "Puta de negra...".
À la fin de la rencontre, des "Sieg heil" descendent des tribunes. À l'heure du départ, Santos Mirasierra, dont toutes les photos montrent son empressement pendant les heurts à négocier et à ramener le calme chez les policiers, est arrêté pour trouble à l'ordre public. Il aurait été prévenu avant même d'entrer au stade que si des événements se produisaient, il serait arrêté, son look étant facilement repérable.
Les policiers ont tenu parole. Aurait-il été victime d'une vengeance gratuite ou d'un délit de sale gueule ? Sous le tunnel longeant le stade, des policiers entrent de force dans les bus et frappent sans réfléchir les premiers rangs.
Curieusement, la scène se déroule après le départ du bus des joueurs et des dirigeants. Colette Cataldo est victime d'une fracture du poignet en se protégeant le visage. Un chauffeur de car est frappé par derrière à coups de matraque au moment où il se baisse pour fermer la porte du véhicule. Lâche.
QUE FAIT MICHEL PLATINI ?
Le délégué de la rencontre, l'Autrichien Gerhard Kapl, a rédigé un rapport au coeur duquel il décline la responsabilité de l'instance sur la charge policière. Il s'étonne aussi du comportement des forces de l'ordre. Il mentionne encore les jets d'objets contre les handicapés marseillais. Quid des propos racistes ?
À vrai dire, difficile de le savoir. L'UEFA devrait pourtant savoir qu'un international français, Steve Mandanda, avoue sur son site officiel en avoir pâti durant toute la rencontre. On le sent même résigné: "J'en ai moi-même été victime, mais c'est comme ça, dit-il, fataliste. On ne peut malheureusement pas beaucoup faire changer les choses. Ça ne date pas d'aujourd'hui, ça a toujours existé et les plaintes ou différentes sanctions n'ont jamais rien changé." L'UEFA, toujours plus rapide à sanctionner les clubs de plusieurs dizaines de milliers d'euros pour deux ou trois fumigènes, a ouvert une enquête. L'histoire ne dit pas encore si elle durera aussi longtemps que celle diligentée après le match contre le Zénith Saint-Pétersbourg.
Cinq mois... "C'est malheureux à dire, nous a confié un supporter, hier. Pour faire bouger les choses, il aurait fallu que notre président ou notre directeur sportif soient bousculés lorsqu'ils sont venus nous rejoindre pour que l'instance ouvre les yeux. Tout le monde s'en fout. "Le président de l'UEFA, Michel Platini, est français et il n'a pas témoigné un regret, tenu une parole de réconfort pour le club le plus représentatif de France. J'éprouve un sentiment de dégoût."