Le Merlin s'est posé sur le tarmac d'Auch-Lamothe à 11 heures précise. à bord de ce 9 places, pas d'enchanteur mais le partenaire entre les mains duquel repose désormais l'avenir du FCAG. Régis Dumange, le patron de la société Textilot basée dans la Nièvre, est bien sûr le premier à poser les pieds sur le sol gersois. Il est accompagné de son directeur commercial, du président du club de Nevers (Fédérale 2) Philippe Chinella- to, et d'une troisième personne chargée de ramener dans la Nièvre la voiture de Jean-Baptiste Rué, l'ancien pilier international présent à Auch depuis samedi devant monter dans l'avion du retour pour ne pas manquer l'entraînement du soir dans la Nièvre.
A peine arrivé, Régis Dumange a filé voir les joueurs du FCAG, de l'autre côté de la piste d'atterrissage sur le terrain en synthétique du Pitous. Il a aussi visité les installations du stade Jacques-Fouroux et le siège du FCAG au Garros, avec Eric Belooussoff comme guide. Avant de reprendre l'avion peu après 17 heures, il n'a pas caché son plaisir d'avoir rencontré le patron du Leclerc d'Auch. Mais une fois rentrée dans la Nièvre, il a aussi avoué ses craintes de s'engager dans « un dossier très compliqué ».
« Sud Ouest ». Vous avez passé six heures à Auch. Quelles sont vos premières impressions sur ce club ?
Régis Dumange. J'ai d'abord eu un contact fantastique avec Eric Belooussoff. Il y a beaucoup de points communs entre nous deux, on partage les mêmes valeurs humaines. Une relation de confiance s'est instaurée. Ensuite, j'ai découvert à Auch des infrastructures remarquables avec ce terrain synthétique et une pelouse magnifique au stade Jacques-Fouroux. Et puis j'ai eu un accueil excellent de la part des joueurs qui ont su garder le sourire malgré tout ce qu'ils vivent depuis plusieurs semaines.
Après avoir vu les comptes et discuté avec les dirigeants, que vous inspire la situation actuelle du FCAG ?
C'est un dossier très compliqué. Ce n'est pas facile parce qu'il y a beaucoup d'intervenants. Il faut tenir compte des politiques, des investisseurs et des susceptibilités des uns et des autres. Le problème de ce club, c'est d'avoir accepté la montée en Top 14 et d'avoir fait le yoyo sans dégraisser comme il le fallait au niveau des contrats, alors que le train de vie est différent en Pro D2. Et puis dans une ville de 22 000 habitants où il n'y a pas de ressources, c'est forcément un casse-tête pour les dirigeants de monter un budget à ce niveau. Alors qu'il n'y aurait aucun souci pour le boucler en Fédérale 1 jusqu'à 1,9 millions d'euro.
Cela veut-il dire que l'avenir du rugby à Auch ne peut pas s'inscrire en Pro D2 sur du long terme ?
Une ville de 22 000 habitants n'a pas les moyens de s'offrir une équipe de ce niveau. Ce club ne tient que sur le sponsoring d'Eric Belooussoff qui met de l'argent à fonds perdus. C'est un mécène, il faudrait lui dresser une statue.
Êtes-vous tombé d'accord avec lui pour que votre société Textilot soit représentée très vite à Auch ?
Au niveau du business, il n'y a aucun souci entre nous. Mais je n'aurai que la clientèle d'Auch. Ce n'est pas comme si j'allais à Clermont qui draîne toute la région Auvergne. C'est pour cela que je veux bien être un sponsor complémentaire du FCAG mais pas le premier partenaire du club parce que je ne peux pas avoir le tissu professionnel et que je suis tout de même installé à 650 km d'Auch.
Si vous devenez partenaire du FCAG, cela permettrait-il d'éviter la baisse de salaire aux joueurs ?
Cela ne suffirait pas à éviter cette baisse (ndlr : de 14 %). J'ai donné mon accord sur une certaine somme et je n'irai pas au-delà. Il n'y a plus rien dans les caisses et il faut reconstituer les fonds propres. Il faut une table ronde avec les joueurs auxquels on ne peut pas imposer d'accepter la baisse et de jouer avec ceux qui l'ont refusée. Il en va de la survie du club, mais il faut faire du cas par cas. Il y a des règles de chef d'entreprise à rétablir, rien n'a été fait dans ce sens.
Qu'est-ce qu'il manque pour vous convaincre de vous engager demain durablement dans ce club ?
Si cela ne dépendait que de moi et d'Eric Belooussoff, et à condition qu'il prenne la présidence du club pour tenir les comptes, ce serait acquis. Mais j'attends un accord écrit de la part de la municipalité et du Conseil général pour avoir l'assurance qu'ils vont continuer à soutenir le club. Le sauvetage nécessite de mettre pas mal d'argent, on ne peut pas vivre sur des suppositions. Je dois les avoir au téléphone pour voir si c'est jouable ou pas (ndlr : il a croisé le maire Franck Montaugé et le président du Conseil général Philippe Martin était hier à Paris). La balle est dans leur camp. ça ne sert à rien de sauver le club, si c'est pour se retrouver dans la même situation dans six mois. Je veux bien aider à sauver le FCAG, mais pas à fonds perdus.
Vous n'avez pas l'air très optimiste sur l'issue de ce dossier. Quand allez-vous donner votre décision ?
On a jusqu'à jeudi pour réfléchir (ndlr : le conseil de surveillance du FCAG se réunira vendredi soir pour décider de l'avenir du club). J'étais très optimiste à 15 ou 16 heures et puis, suite à un problème extérieur, j'ai compris que cette crise a laissé des traces. Il y a des différents, des règlements de compte et des rancoeurs. C'est une situation compliquée pour quelqu'un comme moi. Je suis quelqu'un de dynamique, je pensais que ça allait amener du sang nouveau. Mais si c'est juste un chèque et que le retour c'est zéro, ce n'est pas la peine.
Après être venu à Auch, vous pourriez encore faire machine arrière et laisser le club déposer le bilan ?
Certains élus disent qu'ils pourraient se retirer du club la saison prochaine. Je ne supporte ce genre de menace alors qu'ils sont sur place et que je viens de Nevers. J'aime bien Auch, mais ce n'est pas mon pays, ce n'est pas ma ville et je n'y ai pas fait mon école de rugby. Je serais triste de voir ce club descendre, mais d'autres auront encore des problèmes si on ne limite pas la masse salariale. Il ne faut pas un pansement, parfois il faut couper la main pour éviter de perdre le bras. Dans le contexte de ce soir (ndlr : hier peu après 19 heures), cela me semble plus difficile de m'engager. Mais je n'ai pas dit non.