Dans Sud-Ouest
US Dax. « Je suis arrivé ici comme un jeune » : la quête de jouvence de Jale Vatubua
Par Recueilli par Pierre Larquier - Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
À 33 ans et après douze saisons à la Section Paloise, le trois-quarts centre fidjien se relance petit à petit à Dax. Avant d’affronter Nice ce vendredi (19 h 30), il revient sur son choix, son intégration et son rôle non sans trahir un désir de jeunesse éternelle
Après 12 ans à la Section Paloise, on pensait que vous resteriez l’homme d’un seul club. Qu’est-ce qui a motivé votre départ pour Dax ?
La Section, c’est mon premier club en France, ma deuxième maison mais les deux dernières saisons, mon temps de jeu s’est réduit. Le staff avait un plan, avec beaucoup de jeunes, je n’y entrais plus. C’était un peu compliqué alors j’ai voulu trouver un nouveau challenge. Ce club (Dax, NDLR) a beaucoup d’histoire, c’est une belle expérience et un défi que je dois prendre à deux mains.
Vous pouviez rester en Top 14 ?
Il y avait des opportunités mais j’ai choisi de venir ici par rapport à ma situation familiale. Ma femme et mes quatre enfants vivent toujours à Pau (Bizanos), je fais les allers-retours, parfois je reste ici quand on commence tôt. J’ai des amis qui jouent en Pro D2, je regardais leurs matchs, j’essayais de repérer des équipes dont le jeu me plaisait bien. J’ai fait un compromis entre le rugby et ma situation familiale. C’est bien plus facile de venir ici que de faire la route pour Vannes (une de ses pistes de rebond à l’intersaison).
Votre prédécesseur et compatriote Ilikena Bolakoro vous a aiguillé ?
Jeff (Dubois, le manager) a été le premier à m’appeler. On connaît quelqu’un en commun. Une personne de sa famille travaille dans l’immobilier à Pau. Elle s’est occupée de ma maison et de celle de Giovanni (Habel-Kuffner). Elle lui a dit que je partais alors il m’a contacté et m’a parlé de l’opportunité à Dax. Après seulement, j’ai échangé avec Bola (Ilikena Bolakoro). Il m’a parlé de l’équipe. J’ai compris qu’il avait une grande influence sur les jeunes fidjiens qui sont là. Je ne veux pas reprendre sa façon de faire, simplement les guider parce que ce sont deux bons joueurs de rugby mais ils ont besoin de repères.
Comme un « papa », diraient certains ?
J’ai déjà quatre enfants, bientôt cinq, c’est bon. À Pau, on me disait : « tu es le papa de l’équipe. » Je n’aime pas ce rôle. Je préfère être le grand frère.
Comme l’ont été avec vous, et pour ne citer qu’eux, Conrad Smith, Damien Traille…
J’ai eu la chance de jouer avec ces deux, avec Benson Stanley aussi. Damien Traille, ça a été le premier. Quand on a fait remonter le club, j’avais 21 ans, c’étaient mes premiers matchs professionnels et il était là pour me guider. Je viens d’une grande famille, quatre frères, quatre sœurs et je suis le dernier. Avec ces joueurs, j’ai eu la même sensation.
Après tous ces moments palois, l’intégration dacquoise s’est bien passée ?
Je m’adapte rapidement à n’importe quel environnement. C’est en nous, l’intégration est plus facile pour un Fidjien. Je connaissais déjà bien Jean-Ba (Barrère), j’ai joué contre Romu (Séguy), Gino (Genesis Lemalu), j’ai senti du respect entre nous. Ce club rend humble. Quand je suis arrivé, avant la première séance vidéo, tout le monde cherchait des chaises. À Pau, ce n’est pas le même budget, tu arrives, le siège est installé, la télé aussi. Je l’ai dit à ma femme : ça me rappelle la Section quand je suis arrivé en 2012. La salle de muscu, le stade… C’était pareil. Ça me fait redescendre et c’est bien pour relancer une carrière.
Malgré votre expérience, vous avez découvert, à 32 ans, l’acclimatation dans un nouveau groupe. Il y avait une forme de pression ?
Je sentais un peu de pression mais avec ce groupe… Au bout d’une semaine, après le stage à Saint-Lary, j’ai compris que les mecs adoraient jouer au rugby, je me suis vite senti bien, avec tout le monde. À Pau – je vais le dire –, mais il y a d’un côté les Îliens, de l’autre les Français, puis les étrangers. Comme je suis trilingue, j’étais toujours au milieu et j’essayais de connecter tout le monde. À Dax, pas besoin. Je suis arrivé ici comme un jeune, je n’avais plus qu’à intégrer le plan de jeu.
Et pour ce faire, vous avez dû changer votre façon de jouer ?
Oui (rires), mais j’aime bien l’état d’esprit de Jeff. À Pau, c’était très structuré : dans notre camp, quand il n’y avait pas d’espace, on dégageait le ballon. Avec Jeff, c’est : on joue d’abord et on verra après. On change de système pendant le match, les arrières prennent des initiatives… Avant, je suivais toujours le n°10, j’avais les yeux et les oreilles sur lui. Aujourd’hui, on me demande de proposer autre chose, après le 10, comme un second demi d’ouverture. Ça m’intéresse beaucoup.
Cela vous rappelle vos dépannages à l’ouverture à Pau ?
Oui. Et puis j’ai commencé ouvreur aux Fidji – c’est plus facile d’être 10 quand en premier centre tu as des mecs comme Tuisova… – mais, à l’école en Nouvelle-Zélande, on m’a décalé. Ma base, ça reste demi d’ouverture, même si je suis un peu costaud pour ça.
Vous avez aussi découvert une nouvelle façon de gérer un groupe, quel regard portez-vous sur ces rotations quasi-systématiques ?
Jeff donne du temps de jeu à tout le monde. C’est un peu bizarre pour moi. Notre corps bascule entre repos et activité intense, on aimerait enchaîner plus de matchs mais c’est bénéfique pour le groupe, sur la durée, et pour les blessures.
La Pro D2 a bien changé depuis que vous l’avez quitté (en 2015) ?
Oui, beaucoup. Il y a plus de compétition. Quand je rentre à Pau, que je bois le café avec des anciens coéquipiers, ils me le disent : « la Pro D2, c’est énorme. » La vitesse n’est pas la même qu’en Top 14 mais niveau combat… À Dax, par exemple, ça tape beaucoup.
C’est ce qu’il faudra mettre pour contenir un Stade Niçois surprenant à l’extérieur ?
Je pense que c’est une équipe qui veut vivre la même chose que Dax l’an dernier, qui cherche à affirmer sa place en Pro D2. Comme je dis tout le temps, on doit se focaliser sur notre performance. Il faut faire comme contre Oyonnax, qui voulait prendre des points chez nous : les tuer au bout de vingt minutes. On a une opportunité de mettre Nice de côté.