Dans le journal Le Parisien aujourd'hui.
Vu l'énorme mental de Marc, les joueurs ne peuvent que se surpasser !
Marc Dal Maso, ancien talonneur des Bleus, a appris en 2012 qu’il souffrait de la maladie de Parkinson. Après une lourde opération du cerveau, il a repris du service dans un staff cette saison à Dax.
"Félicitations pour ta belle saison" La remarque, d’un ton empreint de chaleur, fuse dans la salle de ce restaurant où Marc Dal Maso (56 ans) nous fait face depuis bientôt une demi-heure. «Merci, merci», glisse avec un petit sourire l’entraîneur chargé de la mêlée des rugbymen de Dax, tout juste promus en Pro D2. Le client s’éloigne, laissant derrière lui les vastes baies vitrées qui donnent sur l’océan Atlantique et la plage de la station balnéaire landaise de Capbreton. Et un homme heureux de ces petits moments d’attention, un temps, trop longtemps, disparus de sa vie.
Depuis 2012, celle-ci se déroule à un rythme imposé par ce mal intérieur. Une décennie avec ce diagnostic d’une maladie dont le nom fait peur: «Parkinson», épelle l’ancien international, 33 sélections et une finale de Coupe du monde en 1999 disputée avec le XV de France. «C’est comme une fiancée, répète-t-il à plusieurs reprises au cours de ce déjeuner pris dans le vaste restaurant du Baya, hôtel où les Bleus ont vécu en janvier pendant leur stage de préparation pour le Tournoi des Six Nations. Mais une fiancée qui te suit tout le temps, même si tu ne veux plus d’elle. Et elle est sournoise. «Je suis réparé, mais pas guéri». Il lui a fallu un moment pour en parler publiquement. Entre ce jour où les médecins lui expliquent, en 2012, l’origine de ces légers tremblements qui le perturbent et ce retour en France, en 2015, après trois ans de travail au sein de la Fédération japonaise, marquée par la sensationnelle victoire (34-32) sur l’Afrique du Sud à la Coupe du monde de 2015. Dal Maso, qui a posé son gabarit au cœur des mêlées d’Agen, Pau, Colomiers ou Perpignan pendant sa carrière de joueur, évoque alors le possible rôle du rugby et de ses chocs. «Médicalement, on ne sait toujours pas si c’est lié à ça ou aux produits disséminés dans les vignes où j’ai travaillé», glisse-t-il, de cette voix un peu éteinte et de cette diction ralentie devenues siennes aujourd’hui. Sa voix puissante l’a quittée depuis avril 2021, et cette opération du cerveau. Huit heures dans un bloc opératoire à Bordeaux pour y implanter des électrodes. Quelques mois plus tôt, il s’était éloigné de son poste d’entraîneur des avants de Brive, en Top14. Rongé par les symptômes et dans la crainte d’un risque sanitaire accru en pleine pandémie de Covid-19. «L’intervention chirurgicale m’a régulé, développe-t-il. Avant, j’étais surexcité, et j’avais beaucoup de gestes incontrôlés avec tous les cachets que je prenais, un toutes les 1h45. Aujourd’hui, c’est descendu à quatre par jour. Mais attention, je suis réparé, mais pas guéri. La fatigue dure encore, presque permanente. Dès que je fais fonctionner ma tête, je le paie cash. Je me repose beaucoup, je fais attention. Normalement, les gens qui subissent cette opération ne doivent plus travailler et restent chez eux. Mais ça, je ne voulais pas. Rien que pour maintenir cette vie sociale.» Du rugby, il refuse de s’éloigner trop longtemps. Par peur de cruellement ressentir le manque «de ce sport, et des hommes qui sont dedans. Et aussi parce qu’à 56 ans, on n’est pas mort». À la rentrée 2021, il accepte d’encadrer les joueuses de l’AS Bayonne, mais l’aventure tourne court quand les dirigeants décident de déclarer forfait pour le reste de la saison en novembre. En mai 2022, l’ancien talonneur rejoint le staff de l’US Dax en Nationale, la troisième division française, dans un rôle d’entraîneur de la mêlée. Sa spécialité, exportée avec succès au Japon, en Nouvelle-Zélande et avec la sélection anglaise sous les ordres d’Eddie Jones. «Un des meilleurs coachs au monde» en mêlée «C’est l’un des meilleurs au monde dans ce domaine, il est capable de passer quatre heures à regarder des vidéos de mêlée juste pour décortiquer des petits détails. Il a un œil extrêmement avisé, raconte Jean-Frédéric Dubois, manageur de l’équipe landaise. Marc, on l’a pris avec sa maladie. On a toujours été bienveillants avec lui. On voulait qu’il se sente bien au travail parmi nous.» Programmée d’abord dans l’après-midi le mardi, son intervention est avancée en matinée pour lui éviter les heures les plus chaudes de la préparation estivale. Par bienveillance, certains joueurs vont parfois prévenir le staff lorsqu’ils sentent que Dal Maso décline trop. Le vestiaire ou un bureau lui servent parfois de salle de repos. «C’étaient aussi des trucs qui semblent bêtes, comme m’aider à brancher mon ordinateur, raconte l’ancien coach des avants de Toulon. Ce n’est rien, mais c’est beaucoup à la fois. J’ai été vachement bien accueilli. Et ça n’était pas facile, car cette maladie t’oblige à presque te mettre à nu devant des gens que tu ne connais pas. C’est délicat d’avoir des coups de fatigue, des allocutions qui déraillent devant des inconnus.» Sa mission va continuer la saison prochaine en ProD 2, au sein de ce club à une demi-heure de route de son refuge de Capbreton. "Je ne sais pas encore où cette maladie va me mener, glisse-t-il. Je ne me projette pas, je ne fais pas de pari sur la vie. Parce que j’ai peur de la différence entre ce que je veux et ce que je pourrai faire."